Notre amie Fati nous emmène vers le soleil; suivons-la !
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Traverser la Méditerranée tout en restant à Paris c’est parfaitement envisageable.
Leptis Magna en Libye, l’antique cité carthaginoise passée sous domination romaine, fut construite par les Phéniciens. Mais elle fut sublimée par l’enfant du pays, Septime Sévère, l’empereur africain qui régna à Rome et mourut à York.
Malgré les méfaits du temps, les inévitables pillages et les récents événements, l’impressionnante cité, classée par l’Unesco en 1982, a encore fière allure. Elle est aujourd’hui farouchement surveillée par les communautés locales qui bataillent bénévolement pour que l’intégrité des lieux soit préservée. Dans un reportage j’ai entendu un jeune raconter qu’il a grandi juste à côté des ruines de cette ville qui fait donc partie de son univers quotidien et que de ce fait il s’est donné pour mission de faire obstacle à tout nouveau saccage.
Si vous voulez avoir un aperçu, un tout petit il faut le reconnaître, de ce qui fait le prestige de cette cité, il suffit de vous rendre à Saint-Sulpice, de directement vous diriger vers le fond de l’église là où se trouve la somptueuse chapelle de la Vierge où se côtoient les œuvres de nombreux artistes : Le Vau, François Lemoyne, Carle Van Loo, Pigalle... Vous y trouverez six colonnes encadrant une Vierge, œuvre de Jean-François Pigalle. Quatre d’entre elles proviennent de Leptis Magna, taillées sur l’ordre de l’empereur Septime Sévère par des artisans anonymes, les deux autres furent ajoutées lors du réaménagement de la chapelle justement pour accueillir la statue de Pigalle.
Malgré notre perplexité face à la légèreté de certains actes on sait que juger le passé avec nos convictions actuelles est bien évidemment toujours complexe.
Leptis Magna a commencé à être fouillée dès le XVIe siècle et son dépeçage dans la foulée. L’histoire du consul Claude Lemaire, nommé en 1688 à Tripoli, est connue des spécialistes qui l’ont retracée notamment à partir de sa correspondance, aujourd’hui conservée aux Archives Nationales. Certains de ses courriers montrent la fierté avec laquelle il a « tiré d’un seul temple plus de 200 colonnes ». Les historiens estiment qu’il aurait au total arraché près de 300 colonnes, mais toutes ne furent pas transportées au bord du rivage pour être embarquées de Lybie vers l’Europe. Et apparemment il n’a pu exporter toutes les colonnes sélectionnées, puisque certaines sont restées sur le rivage au moins jusqu’aux années 1960.
L’aventure de ce consul nous apprend comment, ébloui par la cité antique et par tout ce qu’elle offrait à son regard, il décida en parfaite bonne conscience de se servir. A l’époque Versailles était en chantier et il était prévu d’en faire la merveille que l’on admire aujourd’hui. Notre consul décide donc de choisir les colonnes qui lui plaisaient le plus afin de les envoyer en France. Toutefois, pour des raisons que seuls les rouages complexes de l’administration sont capables de générer, ces fûts envoyés spécifiquement pour embellir le château de Versailles vont se retrouver partout : Louvre, Rouen, Brest, certains acquis par des sculpteurs, le rebus perdu à jamais. Mais très peu à Versailles où, semble-t-il, ils furent juste utilisés sous forme de placage. Au début du XIXe siècle ce fut au tour de l’Angleterre d’en pourvoir le château de Windsor, puis d’autres pays... Ne me demandez pas l’emplacement exact de tout ce marbre, je ne saurai vous répondre.
En revanche l’histoire dit que 4 fûts extraits de la cité libyenne, nettoyés, polis, complétés de socles et chapiteaux, sont venus encadrer la Vierge de Pigalle vers 1780 et donner encore plus d’éclat à la chapelle axiale de l’église de Saint-Sulpice.
3 commentaires:
Très intéressant !
"Elle est aujourd’hui farouchement surveillée par les communautés locales qui bataillent bénévolement pour que l’intégrité des lieux soit préservée."
Cela devrait inspirer les Parisiens...
"Malgré notre perplexité face à la légèreté de certains actes on sait que juger le passé avec nos convictions actuelles est bien évidemment toujours complexe."
Oui mais juger... le présent ?
Par exemple quand on voit disparaître le patrimoine urbain parisien (réverbères, bancs Davioud, grilles d'arbres...) remplacé par du mobilier urbain "cheap" aussi moche que coûteux pour le contribuable, et des bricolages bobo-écolo-crétins de mauvais goût ?
Ce patrimoine s'observe aujourd'hui dans les brocantes ou aux puces de Saint-Ouen.
Il serait intéressant de réaliser un reportage sur son réemploi, mais aussi sur les bénéficiaires de la vente...
MERCI pour ce voyage immobile.
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