lundi 5 avril 2021

Un numéro dix présumé !

Voici un article envoyé par Super Matthieu, que je trouve suffisamment bien écrit pour vous le retranscrire in extenso. 

***

Si, de nos jour, la rue du baigneur est un voie du XVIIIème arrondissement reliant la rue Ramey à la rue du Mont-Cenis, il n’en fut pas toujours ainsi.

L’histoire de cette voie remonte au vieux Montmartre, alors commune libre (vive la Commune !). Elle fut ouverte en 1845 et s’appelait alors « impasse du petit Dieu ». Un établissement de bains publics s’y installe en 1853, à l’angle de la rue Ramey. Notre impasse devient « impasse des baigneurs », comme l’atteste ce plan de 1878 :





L’histoire ne s’arrête pas là : les terrains situés dans le prolongement de l’impasse sont finalement lotis vers 1881, prolongeant la rue Hermel jusqu’à la rue Custine. L’ancienne impasse devient une rue, lui donnant sa configuration actuelle, déjà visible sur ce plan de 1882 :




Il faut désormais donner un nom à cette nouvelle rue, mais aussi revoir la numérotation des immeubles. 

La rue sera successivement baptisée « impasse des bains », « impasse du baigneur », puis « rue des baigneurs », « rue des Bains » et « rue des Bains prolongée ». Les plaisanteries les plus courtes étant souvent les meilleures, l’humour municipal arrivera à saturation en 1930, date à laquelle la rue est définitivement et administrativement identifiée en tant que « rue du baigneur » sur toute sa longueur. 

De cette histoire chaotique, il subsiste une ultime trace encore visible de nos jours… de la rue Ramey à la rue Hermel (soit sur l’ancienne emprise de l’historique impasse), la numérotation côté numéros pairs est très inhabituelle : pas (plus) de n°2 ni de n°4. Puis se succèdent les numéros 6, 6 bis, 8, 8 bis et 8 ter. 

Franchissons la rue Hermel : nous voici dans l’ancien prolongement de 1881, où la numérotation commence logiquement au numéro 10…ou plutôt au numéro « 10 présumé ».




Cette petite plaque émaillée nous replonge d’un coup dans l’histoire de cette rue, et nous permet d’imaginer les passes d’armes courtelinesques entre l’administration parisienne et les riverains autour du nom de leur rue et de sa numérotation !


Un grand merci à Matthieu et à son oeil de lynx !


10 commentaires:

marc a dit…

remarquable enquête
Bravo

Nina a dit…

Cela n'a rien à voir mais près de chez moi le nom de la rue Thiers a été remplacé par celui de l' opposante Louise Michel. Renversement de l'Histoire.

Tilia a dit…

Présumé innocent :D

Merci Matthieu

le grand barde a dit…

Rassurez moi le lycée Thiers de Pagnol gardera t il son nom ???

romaninos05 a dit…

Je crains que la "mode" actuelle qui déboulonne, transforme, détruit, ne renomme rues, places etc.....pour suivre cette nouvelle tendance !

Zygelisabeth a dit…

Ah en voici une bonne nouvelle Nina! Cet assassin de Thiers qu'on voit partout, remplacé par Louise Michel dont j'ignorais même qu'envoyée au bagne en Nouvelle Calédonie elle s'était intéressée aux Kanaks et leur avait fait la classe, contrairement aux idées racistes de l'époque (et même parmi ses compagnons communards). C'est une idée qui m'était déjà venue pour un Bd Thiers, d'autres l'ont eue et concrétisée avant moi.

Nina a dit…

A l'époque, la ville était encore communiste. Le maire de droite qui succéda remplaça les noms des rues à la gloire des personnalités communistes, ce qui fit sourire le Journal télévisé en 1989 (INA Sartrouville:nom des rues).

Klaus Building a dit…

@ Zygelisabeth : Et demain, quelqu'un trouvera une faille dans la biographie de Louise Michel, ou une phrase malheureuse dans ses écrits, et exigera qu'elle soit remplacée par une autre. Comme pour l'affaire Annie Cordy à Bruxelles. La bonne décision aurait été de conserver la rue Thiers et de donner le nom de Louise Michel à une nouvelle rue.

Nina a dit…

Il y a de l'idéologie derrière tout ça; D'oùles noms d'oiseaux et de fleurs donnés aux zones HLM :)

Matthieu Rubin a dit…

Merci Marc pour votre commentaire, je vais rougir...