Personne ne passe rue Montesquieu. Cette petite rue coincée entre le Ministère de la culture et la Banque de France, dépourvue de commerces, n'attire pas le promeneur.
L'entrée d'un immeuble a pourtant attiré mon œil de faucon:
Je découvre que cet immeuble est un centre d'hébergement Emmaüs où des chambres voisinent avec des appartements. L'intérieur du bâtiment a été complètement mis aux normes; l'ensemble est propre et accueillant.
Seules, les fenêtres de l'escalier témoignent par leurs vitraux d'un passé plus prestigieux:
Le cœur du bâtiment est un patio où les résidents ont aménagé un petit jardin.
Toutes les huisseries sont modernes mais les poutres rivetées témoignent d'une construction plus ancienne:
Devant le bureau d'accueil, une discrète plaque résume l'historique du bâtiment... Et c'est passionnant !
La carrière de notre immeuble commence en 1810 avec la construction des "Bains Montesquieu":
Sur ce plan de Paris (Jacoubet 1840), on distingue le rectangle qui deviendra un magasin, une salle, un restaurant, une cantine et notre patio (cercle rouge).
En 1830, plus de bains mais un "bazar", ancêtre du grand magasin: le Bazar Montesquieu.
On notera que c'est l'architecte Victor Lenoir qui a réalisé les travaux. C'est lui qui réalisera plus tard la gare Montparnasse (l'ancienne).
Lisez sur le journal Gilblas le compte-rendu d'une visite de ce nouveau bazar. L'article est savoureux, on s'y croirait.
Je vous ai agrandi l'article afin de ne pas fatiguer vos pauvres yeux !
Mais en 1850, les affaires semblent marquer le pas tant et si bien que l'établissement est "à louer en totalité":
Mais bien vite, l'espace trouve une nouvelle destination: ce sera une grande salle de bal utilisée aussi pour des spectacles et des réunions syndicales ou politiques:
1855: Début d'une autre aventure, les Bouillons-restaurants Duval s'installent rue Montesqieu.
Un client célèbre a immortalisé son passage:
Une serveuse au bouillon Duval, Auguste Renoir (Met New-York)
Les bouillons Duval constituaient une chaîne à Paris, l'affaire était rentable, mais le patron et fils du fondateur - Alexandre Duval - se ruina pour une demi-mondaine...
Après sa mort, ce sont deux frères, Frédéric et Camille Chartier, qui reprendront ses affaires; celles-ci deviendront les fameux Bouillons Chartier.
En 1877, ce sera le retour d'un grand magasin, Au coin de la rue dont l'excellent site Commerces Immarcescibles ne manquera pas de parler bientôt...
En 1943, le Ministère des finances voisin installera ici sa cantine...
Enfin, en 2014, Emmaüs prend possession des locaux.
Je tiens à remercier chaleureusement le personnel d’accueil et les résidents que j'ai rencontrés pour leur disponibilité (et pour leur café !).
6 rue Montesquieu, Paris I°.
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