mercredi 23 novembre 2016

Où il est question de chaussures, de charniers et d'un mystère...

Sur le plan de Turgot (1739), la rue de la ferronnerie longe le cimetière des Innocents. Cet immeuble de 120 mètres de long fut longtemps le plus long bâtiment de Paris. En son milieu et longitudinalement, courait au rez-de-chaussée un long couloir qui séparait, côté rue, des échoppes, et côté cimetière des charniers.



Aujourd'hui, cette capture d'écran Google earth nous montre le même immeuble au pied duquel le roi Henri IV fut assassiné en 1610.
Le cimetière des Innocents et les charniers ont disparu, mais la face arrière de l'immeuble (donnant aujourd'hui sur la rue des Innocents) a conservé certaines arches qui abritaient jadis les ossements. C'est le cas du chausseur Arcus qui a bien voulu nous recevoir.


Ici, la façade principale rue de la ferronnerie:


La boutique est traversante; ici, les arches donnant rue des Innocents:



Mêmes arches vues de l'intérieur.
Vous devez imaginer ce volume rempli d'ossements...



Si ces murs pouvaient parler !


La gérante de la boutique, très intéressée elle aussi par l'histoire, nous conduit dans les réserves sous la boutique:



Ici, nous voyons le départ d'un souterrain aujourd'hui obturé:


Deuxième niveau de sous-sol:



Il nous faut remonter jusqu'au premier étage, car la gérante tient à me montrer son "show-room". Grimpons !



C'est en haut de l'escalier, mais qu'est-ce que c'est ?


Cette grosse pierre en forme de marche d'escalier a été trouvée lors de travaux dans les sous-sols.
Heureusement, elle a échappé à la benne et a été fixée au mur. Mais approchez-vous !


Ci-dessous, la photographie est en grandes dimensions. 
Vous voyez ces personnages alignés ? Qui sont-ils ?
D'où vient cette pierre ?
Bien que taillée en forme de marche d'escalier, je pense qu'il s'agit d'une pierre récupérée... Mais récupérée où ? Dans une église ? Laquelle ?
Se peut-il qu'il s'agisse d'une pierre tombale ?


J'attends donc vos idées; je pense que cette mystérieuse pierre va pour un bon moment tenir compagnie à l'énigme du métro Dupleix, mais j'espère me tromper !

Un dernier mot pour remercier chaleureusement la gérante du magasin ARCUS qui nous a reçu avec une extrême gentillesse.

10 rue de la ferronnerie, Paris I°.

11 commentaires:

André Fantelin a dit…


Bonjour Paris Bise Art!

Bien trouvé!

Spontanément le bas relief me fait penser à un côté de sarcophage, de tombeau, une frise faite pour être vue verticalement, datant du XIIIe ou du XIVe siècle. C'est seulement une impression basée sur rien de scientifique.

André Fantelin a dit…


Suite de mon commentaire précédent.

Mon collègue Musard a trouvé un dessin de la " Tombe Morin " du cimetière des innocents où l'on voit un morceau de frise tout à fait comparable à votre photo.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10302860p/f1.item.zoom

http://parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/tombe-morin-du-cimetiere-des-innocents-actuelles-rue-saint-denis-rue-berger#infos-principales

Est-ce un morceau de cette tombe précisément, ou un vestige d'une autre sépulture du même genre ?

André Fantelin a dit…

Un extrait de texte de Maxime du Camp, en 1875:
Il faut dire pour expliquer, sinon excuser de tels ménagements envers ce lieu de putridité, que le peuple de Paris aimait son cimetière : on lui donnait là le spectacle de belles processions, avec encens et psalmodies, à certains jours de fêtes carillonnées ; il y venait volontiers, non pour évoquer les âmes des aïeux, mais pour faire sa prière en l'église des Saints-Innocents, populaire entre toutes, pour admirer les monuments funéraires, les chapelles d'Orgemont, de Villeroy, de Pommereux,

1 La contenance exacte du cimetière était de 7,160 mètres carrés; celle de l'église, 1,798 mètres : total, 8,958 mètres carrés.

la tombe Morin, le squelette d'albâtre, qu'il attribuait faussement à Germain Pilon, l'ancien prêchoir, où pendant la Ligue il se fit de si belles harangues, la croix des Bureaux, la croix Glatine, la statue du Christ, que l'on nommait le Dieu de la Cité, et la tour de NotreDame des Bois, où chaque soir on allumait une veilleuse qui servait de fanal à ce champ des morts. On y faisait le commerce; dans les galeries, les marchandes de modes et de lingerie vendaient leurs chiffons; contre les piliers des arcades, sous les greniers qui pliaient au poids des ossements, les écrivains publics avaient installé leurs tables et fournissaient de la littérature épistolaire à prix fixe. En effet, les MM. de Villiers, qui visitèrent les charniers en janvier 1657, disent : " Si c'est du haut stile, la lettre vaut 10, 12 ou 20 sols; si c'est du bas stile, elle n'est que dè 5 ou 6 sols. » La foule y circulait sans cesse; c'était un lieu de promenade, une sorte de contrefaçon des fameuses galeries du Palais. La, nuit, les filles vagues le fréquentaient, comme les larves de l'amour vénal*. Tous les Parisiens s'étaient fourré une singulière idée dans la tête : ils étaient persuadés, sur la foi d'une légende ridicule, que la terre du cimetière des Innocents avait la propriété de dévorer les corps en vingt-quatre heures. C'était une croyance enracinée contre laquelle rien ne pouvait prévaloir. Les MM. de Villiers rapportent cette tradition, et ils ajoutent naïvement: « mais nous n'en avons pas veu l'effet."

le grand barde de PBA a dit…

je me rends bien compte que si ce blog est le plus cultivé du web , c'est bien grâce aux commentaires d'intervenants comme M Fantelin , qui ont quand même plus d'envergure que les miens
Merci à vous

JPD a dit…

@ Grand barde: Mais non, mais non ! Vous vous faites du mal !

@ André Fantelin: Merci de votre (vos) réponses(s). Vous corroborez ma supposition. Il nous faudrait maintenant une photographie de ladite tombe lorsqu'elle était encore en place !!!
C'est pas du défi, ça ??? ;-))

André Fantelin a dit…


Je pense que tout le monde apprécie l'humour du Grand Barde, ainsi que ses échanges avec le non moins humoriste JPD. Le véritable sérieux n'existe qu'avec de vraies marrades !

Quand j'écris " un morceau de cette tombe précisément " c'est aller un peu vite en besogne. Les morceaux de bas relief qu'on peut observer sur les dessins indiqués par les liens ne font pas forcément partie initialement de cette tombe Morin. On dirait des débris qui se retrouvent là un peu par hasard.

Quant à trouver une photo de cette tombe, il se peut qu'il en existe, mais je n'en connais pas pour l'instant. Maxime du Camp dont j'ai posté un petit extrait de texte faisait des photos. En a t-il prises au cimetière des Innocents ?

Les frises qu'on voit sur les dessins indiqués semblent avoir un relief plus marqué (l'ombre a l'air de creuser la surface) que le bas relief de ce billet conservé par le chausseur. Aussi je pense qu'il s'agit du même type de décor présent sur quelque riche tombeau médiéval, mais pas forcément celui des dessins de la tombe Morin.

En tout cas encore une belle trouvaille de Paris Bise Art !

André Fantelin a dit…

Suite de mon commentaire précédent.

J'écris une grosse bourde en me demandant si Maxime du Camp pouvait avoir réalisé des photos du cimetière des Innocents, car à son époque ce haut lieu parisien avait déjà disparu, tout au moins en surface !
Il a pu reproduire des dessins du XVIIIe siècle dans ses ouvrages, mais des photos, que nenni!
En revanche, il restait en profondeur des vestiges de ce cimetière, puisque je me souvient d'avoir vu moult squelettes dans des tombes, sur plusieurs épaisseurs, lors des fouilles préventives effectuées avant la construction du fameux forum des Halles, ce qui ne nous rajeunit pas, vous en conviendrez !

JPD a dit…

Tant que vous n'avez pas assisté à l'érection de Saint-Eustache !

JPD a dit…

de l'église Saint-Eustache !!!

André Fantelin a dit…

J'aime mieux ça ! Parce que c'est vers le IIe siècle, Eustache, si je ne me trompe ?

marc a dit…

Je suis passé hier au magasin, excellent accueil, merci pour cette trouvaille, j'en ai profité pour aller au marionnaud 41 rue de Rivoli, superbe escalier de bois 19ème au fond de ce parfumeur