jeudi 10 mars 2016

De la place des hirondelles à la place Jeanne Bohec

Symbole, coup de com, ou inculture ?
Jeanne Bohec, admirable "Française libre" qui rejoignit le général de Gaulle à Londres dès juin 1940, qui sera parachutée en Normandie en 1944 et sera connue sous son surnom de "plastiqueuse à bicyclette"... Il était bien naturel que le maire du XVIII° voulut célébrer cette figure de l'arrondissement ( elle fut maire-adjoint du XVIII° de 1975 à 1983 ).


 Mais fallait-il pour autant oublier l'histoire du quartier ?
Fallait-il oublier la place des hirondelles ?
Reportons-nous en 1850. Nous sommes sur le territoire de la commune de Montmartre, séparé de Paris par le mur des Fermiers généraux ( Le mur murant Paris rend Paris murmurant ). Derrière les barrières, on trouve des cabarets et des logements abordables. De petites localités se densifient ( Clignancourt, village d'Orsel, etc...) ; les premières lignes de transports en commun apparaissent, toutes privées.

la barrière de Clichy

 Parmi ces lignes de transport, la ligne 25 nous intéresse. Elle est exploitée - comme la ligne 26 - par la "Compagnie des hirondelles", et relie la barrière Saint-Jacques à la place des hirondelles en passant par  le Palais de justice, le Louvre et la barrière de Rochechouart.


 La place des hirondelles était donc tout simplement la place où les omnibus faisaient leur demi-tour ! Et dans le quartier, on prit l'habitude de se rendre à la "place des hirondelles", comme on aurait dit "place des omnibus".


 Heureusement, les cartes postales ont conservé la trace de cet usage :



Bientôt un énorme chantier transformera le quartier: Jean-François Crespin a jeté son dévolu sur ces terrains peu chers pour ériger "Le Palais de la Nouveauté" qui deviendra bientôt "les magasins Dufayel".
Ces premiers grands magasins "hors Paris" ouvrent leurs portes en 1856 et  dans leur sillage, une multitude de commerces et d'investisseurs s'implantent à proximité. Le quartier "France Nouvelle" était né. 



Le succès de la place des hirondelles ne se démentira pas ; elle était en effet située à cinquante mètres à peine de l'entrée monumentale des magasins Dufayel encore visible de nos jours au 26 rue de Clignancourt :


En 1860, sous l'impulsion de Napoléon III, Paris s'agrandit en englobant tout ou partie des communes limitrophes, dont Montmartre. A cette même époque (1855), les multiples compagnies de transport sont regroupées ; c'est la création de la Compagnie générale des omnibus" (CGO), ancêtre de la RATP.
   
Alors pourquoi tant de mépris pour nos hirondelles ?
Je crois que le tort de cette appellation vernaculaire est de ne jamais avoir reçu l'imprimatur de nos technocrates municipaux ; elle était trop populaire.
Sans remettre en cause les mérites de madame Jeanne Bohec, une plaque commémorative n'aurait-elle pas été plus appropriée ?
D'ailleurs - les psychologues le diront mieux que moi - je me plais à voir dans le dévoilement très partiel des nouvelles plaques un acte manqué !


De même que je continue à me rendre à Bercy et non au "Accord Hotel Arena", je continuerai à traverser la place des hirondelles en pensant aux omnibus à chevaux et à Jeanne Bohec !

Place Jeanne Bohec, Paris XVIII°.

4 commentaires:

charly pierre a dit…

Maintenant les hirondelles après les canards et les pigeons , JPD serait il devenu ornithologue ?
il est vrai qu'il faut faire attention quand on baptise un lieu public , exemple la rue de l'Avenir dans le 20e est une impasse toute riquiqui tout comme l' ex impasse Gaston Deferre à Neuilly sur Marne qui est une allée maintenant toujours aussi petite
moi je suis pour qu'on donne un nom à tous les équipements municipaux , dont les déchèteries ( polémique sur l'orthographe ) ,
les stations d'épurations et les fosses septiques
pour les candidats au naming il y a pléthore

dans le 12e , lieu de mon travail , il y a une voie proche de l'ex Surcouf et maintenant Leroy Merlin qui attend désespérément un nom car le sien est AA 12 depuis plus de 4 ans
cette voie passe sous la promenade plantée , qu'attend donc la ville de Paris pour lui trouver un nom ?
merci de nous avoir fait connaitre Mme Bohec

Elizabeth at Eiffel Tells a dit…

Merci pour ce voyage à travers l'histoire . Très intéressant.

Anne a dit…

Volatiles ou volatiles les noms de voies publiques...Il est vrai qu'en "volant un peu dans les plumes" de BOHEC
Jeanne pouvait être nommée HOBEC !
Toujours aussi passionnant, merci.

André Fantelin a dit…

Merci pour ce post!

Je suis 100% d'accord. Il faut absolument conserver les noms anciens des lieux, qui contiennent souvent leur histoire ou une partie de leur histoire, leur adn en quelque sorte, et souvent un beau morceau de poésie. Nos chers édiles, pitié! Gardez tous vos noms de célébrités pour les nouvelles voies, les nouveaux quartiers !

Dans notre blog nous avons une explication fort plausible de l'origine du nom de la rue de la Tombe-Issoire, trouvée par Thomas Dufresne, qui nous emmène faire une visite au moyen-age. Imaginons qu'elle fut maintenant nommée "rue Jacques Séguela " par exemple!