mercredi 1 mars 2023

Kataphilatélie par Gilles Thomas

Quand Gilles Thomas nous envoie un article, on se tait, on regarde et on lit, c'est tout !

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 Oyez oyez braves gens, gentes dames lectrices et damoiseaux lecteurs de ce blog omniscient à défaut d’être totipotent !

Le 23 mars de l’an de grâce 2023 d’avant la fin du monde, va être mis en vente devant vos yeux ébahis et votre porte-monnaie qui n’en demandait pas tant, un timbre, vous savez cette vignette d’affranchissement pour un service prépayé que vous n’utiliserez peut-être jamais (si vous êtes collectionneur dans l’âme et lequel, de ce fait ira enrichir de facto un organisme d’état à la dette inversement proportionnelle à une activité qu’il est de moins en mesure de rendre : distribuer un courrier dans un délai honnête de rigueur, savoir dans les 24 heures partout en France métropolitaine, alors que paradoxalement il y a de moins en moins de courrier papier à traiter, ce que nos amis anglo-saxons ont pris l’habitude d’affubler du surnom de snail-mail !) Oh, cette outrecuidance à bon escient qu’ont nos voisins Grands-Bretons de se gausser de nous autres pauvres mangeurs de grenouilles et de cagouilles… ouille ouille ouille ! Ce n’est d’ailleurs pas la seule société nationale française ayant été confronté à une association sémantique pernicieuse à défaut d’être pertinente, avec la lenteur de ce limaçon à coquille ; souvenez-vous en 2006 :



Donc dans un mois exactement (Save the date !) va être mis en vente un timbre bien particulier mais mérité si l’on se réfère au nombre de visiteurs annuels du monument parisien qui y est évoqué : les « Catacombes de Paris » (ou ossuaire municipal), avec un « C » majuscule je vous en prie, pour distinguer la chose des « catacombes de Paris » (à savoir l’ensemble des carrières sous Paris, dont l’ossuaire ne représente qu’un 700e de l’ensemble), comme en parlent encore moult journalistes peu au fait, quand ce ne sont pas des représentants de certaines autorités publiques.

https://www.phil-ouest.com/Timbre.php?Nom_timbre=Catacombes_Paris_2023

Ah, cette dualité entre le mot et la chose comme aurait dit l’abbé Gabriel-Charles de Lattaignant (évoqué dans la célèbre comptine J’ai du bon tabac etc. ; profitons-en pour réviser une poésie classique du XVIIIe siècle, un peu de culture littéraire ne fera de mal à personne : https://www.poesie.net/attaign1.htm). Ayant été inhumé dans l’église Saint-Benoît en 1779 (« Le 11 janvier 1779, a été inhumé à la cave de cette église [Saint-Benoît] le corps de M. Gabriel-Charles de Lattaignant, prêtre du diocèse de Paris, chanoine honoraire de l'église métropolitaine de Reims, doyen de la chambre ecclésiastique, âgé de quatre-vingt-deux-ans... Inhumation faite par M. le Curé avec l'assistance de vingt ecclésiastiques... »), il y a une probabilité non négligeable qu’il repose depuis dans ce fameux ossuaire souterrain parisien.



Seule partie d’une plaque aujourd’hui inaccessible (l’autre moitié a disparu), qui portait l’inscription :

OSSEMENS

DE L’ÉGLISE ET DU

CLOÎTRE ST BENOÎT

DÉPOSÉS LES 13

ET 14 FÉVRIER 1813


Voir Inscriptions des Catacombes de Paris, de X. Ramette et G. Thomas (au Cherche-Midi, 2012), mais aussi : https://www.tombes-sepultures.com/crbst_1197.html.

Notons que l’absence de T au mot « ossement » au pluriel n’est absolument pas une faute car jusqu’à la réforme de l’orthographe de 1835, lors du passage au pluriel des mots se terminant en « ANT » ou « ENT », le « T » était supprimé, on disait qu’il « tombait devant le S ».

Ce timbre du 23 mars 2023 ne sera que le deuxième (et non second, car oh surprise, il y en aura un troisième simultanément) timbre après celui-ci émis il y a 10 ans, dix longues années : https://ossuaire.wordpress.com/2013/11/14/la-lampe-sepulcrale-en-timbre/. 

D’une manière très surprenante, le choix de ce site est uniquement dû à la Chambre syndicale française des Négociants et Experts en Philatélie, choix arrêté en décembre 2022, CNPE qui a entamé depuis quelque temps une série sur les monuments parisiens. Il va de soi, mais cela va mieux en l’écrivant comme pour toute prétérition, que le résultat final a été validé par la direction de « ParisMusées » (entité qui gère les 14 musées de la Ville de Paris) et des Catacombes réunies !

C’est le premier timbre à la fois dessiné et gravé par un jeune dessinateur et graveur de talent, formé à l’école Estienne (Louis Genty, pour ne pas le nommer) et qui est l’un des trois fondateurs de l’atelier MBB (il avait déjà néanmoins été le graveur de 4 timbres précédemment). On pourrait croire à une forme de réminiscence atavique sachant que son père est un chercheur au CNRS qui étudie les spéléothèmes : https://www.researchgate.net/figure/Mode-de-croissance-des-fistuleuses-stalactites-stalagmites-et-colonnes-dapres_fig4_30435745 .

S’étant documenté aux meilleures sources, soit par ses relations cataphiles, soit en surfant sur, entre autres, http://ktakafka.free.fr/, il a donc pu réaliser ce timbre-ci en moins de trois mois, dont le découpage n’est pas anodin. Sauriez-vous identifier quelle est la référence cachée dans la mosaïque qui pourrait faire penser à un vitrail ?

https://www.phil-ouest.com/Timbre_zoom.php?Nom_timbre=Catacombes_Paris_2023&type=Zoom

En parallèle de ce timbre, il est prévu sur ce même thème de l’ossuaire des Catacombes, une vignette LISA (pour Libre-service d’affranchissement) par le même artiste, autrement dit « un timbre de distributeur émis par un automate qui imprime la valeur faciale selon la demande du consommateur » ; ainsi qu’un autre timbre émis uniquement sous la forme d’un bloc premier jour, dont l’illustration (toujours du même auteur) est plus que fortement inspirée des escaliers impossibles de l’artiste néerlandais Maurits Cornelis Escher.


Ainsi que d’un document philatélique premier jour, avec entre autres comme illustrations le plan de la partie touristique de l’ossuaire, une inscription trinômiale typique des carrières sous Paris (faisant référence aux travaux du premier Inspecteur des carrières de Paris, Charles-Axel Guillaumot, l’homme qui a sauvé la capitale de l’effondrement à la toute fin du XVIIIe siècle mais honoré seulement dans la voirie parisienne depuis 2017 par une esplanade à Denfert-Rochereau portant son nom), et un peu d’histoire…

https://www.phil-ouest.com/Document.php?Doc=Documents/CP_Philaposte/2023/Catacombes_Paris_2023.pdf&rpo=Timbre.php?Nom_timbre=Catacombes_Paris_2023

Deux tampons premiers jours seront disponibles, l’un représentant le tonneau de la rotonde des Tibias (= crypte de la Passion), la dernière réalisation en ossements près de laquelle passent les visiteurs des Catacombes juste avant de ressortir rejoindre le monde des vivants. Le second est celui-ci :


Pour ceux qui acquerront un feuillet de 9 timbres, sachez que l’entourage est lui-même illustré : https://www.phil-ouest.com/Timbre.php?Nom_timbre=Catacombes_Paris_FF_2023.

Profitons de notre évocation des sous-sols de Paris pour vous faire part d’une thématique philatélique collectionnée par quelques passionnés des sous-sols grottesques : la spéléophilatélie, ou collection de timbres montrant des grottes, qui concerne à peine quelques dizaines de personnes dans le monde, dont Jacques Chabert, ancien président du Spéléo Club de Paris, le « club pour troglobiotes éclairés » http://www.speleoclubparis.fr/ que je salue ici pour l’aide apportée quant à la connaissance de ces timbres qui sont évalués à plusieurs centaines différents. La lettre mensuelle que le SCP diffuse a déjà été illustrée depuis sa création par plus de 400 timbres différents, et Jacques en possède encore quelques centaines d’autres. On peut d’ailleurs créer une sous-division à cette spécialité philatélique : la Ktaphilatélie (Kta se prononçant « cata »), qui ne devrait s’intéresser qu’aux timbres évoquant les carrières et catacombes (donc ces vides anthropiques qui me passionnent). Et pour élargir un peu le champ des possibles, ajoutons-y les vignettes et flammes d’affranchissement, ce qui décuple semble-t-il les éléments de cette collection.

Pour les Ktaphilatélistes, en plus des timbres cités dans le cours de cet article, on peut ajouter un seul timbre trouvé sur les catacombes de Rome (émis par le Vatican ; merci à Marc de me l’avoir signalé !), plus un grec sur celles de l’île de Milos. Si vous en connaissez d’autres ?

À ce peu de timbres, on peut donc aussi ajouter quelques vignettes… dont la première connue, celle dessinée pour l’extension « Exposition minière souterraine » lors de l’Exposition universelle internationale qui s’est déroulée dans la capitale en 1900. Mais aussi les quatre imaginées par Nexus, dont une pour honorer Louis Étienne François Héricart Ferrand vicomte de Thury, le deuxième Inspecteur des carrières de Paris, qui succéda à Guillaumot (c’est Thury qui organisa la muséographie des Catacombes de Paris et qui les fit ouvrir au public).


Entre ces deux exemples, il y eut aussi celles dessinées par Eef Smitshuysen représentant les carrières de Maëstricht (production antérieure d'une vingtaine d'années à l’idée parisienne de Nexus (http://exploration.urban.free.fr/explographies/) , car notre ami Néerlandais du SOK (https://www.sok.nl/web_uk.html)  a pensé et réalisé les siens en 1984), sous deux coloris différents.




Sans omettre bien sûr les timbres dessinés par Cécile Miller, la secrétaire de la Seadacc, pour affranchir le courrier de cette association (http://www.seadacc.com/), lesquels, s’ils possèdent bien une valeur postale, n’ont pas vraiment de valeur philatélique car réalisés par un particulier avec l’aide de La Poste (https://www.laposte.fr/mon-timbre-a-moi), chacun pouvant en imaginer à partir du moment où sont respectées certaines règles morales (pas de prosélytisme, ni de représentation politique, etc., etc.), ce qui fit que pour les deux premiers timbres imprimés en 2015, il a fallu justifier que le logo utilisé dans un coin du timbre était celui d’une association loi 1901 dont l’objet d’étude est l’histoire des carrières souterraines car les juristes de « Mon-timbre-a-moi » avaient tiqué (Il ne faut pas oublier que les partis politiques sont des associations affiliées à ce statut à but non lucratif !). Ce blason est d’ailleurs tiré du recueil d’héraldiques « L’armorial de France en 1696 », dit L’armorial d’Hozier http://www.heraldique-blasons-armoiries.com/armoriaux/hozier.html.

Puis en 2017, ce fut ce visuel-ci qui fut choisi. Ces trois timbres sont donc dus au talent d’aquarelliste de la secrétaire Cécile Miller, dont nous vous présentons également sa peinture ayant servi de modèle, qui est bien plus lumineuse !


Si d’ailleurs vous connaissez de telles vignettes, ou d’autres timbres, voire des flammes d’oblitération, ayant trait aux carrières… souterraines (cela paraît évident mais cela va mieux etc. etc.), merci de nous en faire part 

          

                                                        gilles.thomas@paris.fr (Paris surface, le 23 0220 23)


En bonus, ces sept autres timbres dessinés par la même talentueuse artiste, Cécile Miller.







Dans l’ordre : une carrière de calcaire (Les Trente Esseins, à Vic-sur-Aisne), la carrière de Gravelle à Vincennes (étage inférieur aujourd’hui injecté), la recette de la galerie de mine de fer de Sainte-Barbe (Lorraine), la carrière d’Herblay-sur-Seine (95), un véhicule abandonné dans une carrière souterraine (à la Violette, Annet-sur-Marne), et une seconde carrière de gypse (Triel-sur-Seine).



Terminons par ce magnifique cheval tractant au choix, des pierres s’il est en carrière, ou des wagonnets dans une mine, pour vous signaler que Cécile est l’illustratrice d’un certain nombre d’ouvrages sur le cheval, par exemple 

https://www.equibooks.fr/livre/9782711423613-40-jeux-et-activites-pour-eduquer-votre-cheval-claude-lux-cecile-miller/ mais d’autres également dont :

https://www.fnac.com/ia2445131/Cecile-Miller.


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Un grand merci à Gilles Thomas pour cet article brillant !

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7 commentaires:

Bauju a dit…

Maître Guy, s'agit-t'il de la lampe à feu nu,
aussi appelée Simplon, qui pourrait symboliser
tous les cataphiles ou catalaborieux, sauf
les grisouteux, "ça va sans dire, etc." ?

Bauju a dit…

Maître "Gilles", pardon !

Nina a dit…

Magnifique. Cela dit, moins il y a de services, plus c'est cher grr!

Nina a dit…

Pour les cataphiles : Carrière PC OTAN Mesnil-le roi (propriété privée). Sera-t-elle remise en fonction?

marc a dit…

Tiens j'étais en train de lire de Gilles dans le tout nouveau hors série du Parisien sur les 120 ans du métro....

le grand barde a dit…

Merci de rendre hommage à mes collègues protes et sous protes périgourdins

Miranda la souris a dit…

Les Catacombes...

N'est-ce pas l'ossuaire municipal de Paris, une curiosité que des privilégiés ont pu parcourir lors de visites guidées dès 1806 ?

S'agit-il bien d'une nécropole peuplée de millions de Parisiens, transformée par la mairie de Paris en parc d'attraction pour touristes étrangers avides de sensations fortes ?

D'ailleurs, le tarif d'entrée (29 € avec réservation, 18 € le jour même... quand on trouve une place) se rapproche plus de celui d'un Disneyland macabre que d'un lieu de mémoire...

Pour ce tarif, la galerie des fontis a disparu du parcours au profit d'une boutique de bricoles made in China.

Et les sculptures de Décure ou le bain de pieds des carriers ne sont plus visibles qu'en visite guidée, avec supplément !

Quant aux ossements, ils pourrissent sous la moisissure, provoquée par un éclairage inadapté et un trop grand nombre de touristes à plumer...

Je suggère de renouveler en 2024 le concert qui eut lieu ici la nuit du 2 avril 1897 avec plus d’une centaine de convives.

Il avait pour thèmes musicaux la Marche funèbre de Chopin ou encore la Danse macabre de Saint-Saëns ! Nous pourrons y célébrer dignement la faillite de Paris après les Jeux olympiques...