La mairie du XIV° fut d'abord la mairie de la ville de Montrouge. Ce n'est qu'après l'extension de Paris aux communes limitrophes (1860) qu'elle devint la mairie du nouveau XIV° arrondissement.
Notre visite aujourd'hui concerne les sous-sols, là où le public n'a d'ordinaire pas accès.
Première constatation : des renforts métalliques ont été ajoutés au bâtiment pour "durcir" la structure en cas d'effondrement.
Parcourant les corridors, on constate que les portes ont vraiment l'air d'être solides !
Un gros filtre à air nous confirme que nous sommes dans un abri.
En entrant dans cette dernière pièce, une inscription "Soyez les bienvenus" nous accueille :
Sur un mur à côté de la porte, on a dessiné un village avec son clocher, surmonté d'un soleil et du mot "paix".
La pièce maîtresse de cette pièce, c'est une fresque d'environ quatre mètres par deux où l'on voit des prisonniers derrière des barbelés. Derrière ces barbelés, un soldat allemand passe sous le regard d'un mirador...
Les tenues des prisonniers portent les lettres KG pour Kriegsgefangener ( prisonnier de guerre en allemand ).
Mais le plus bouleversant, c'est peut-être ce poème à demi-effacé que je reproduis dans son intégralité ci-dessous :
Aux prisonniers libérés
de passage au Stalag VIII C
Vous qui rentrez chez nous, racontez à nos Mères
Dont le front, plus ridé sous des cheveux plus blancs,
S'inquiète trop de nous, que, petits et tremblants,
Vers elles nous lançons, brutales et amères,
Les lourdes dépressions qui plient nos genoux,
Vous qui rentrez chez nous !...
Lorsque vous les verrez, direz-vous à nos femmes,
Aux yeux rêveurs et flous, d'impatience mêlés,
Tout ce que nous celons par leurs noms épelés
Dans nos nuits sans sommeil où notre être réclame
Un bras pour s'endormir, un bras câlin et doux,
Vous qui rentrez chez nous !...
A nos petits enfants dont le sort acariâtre
A fait des orphelins, vous saurez bien conter
Les désirs fous que nous devons parfois dompter
De sentir, sous nos doigts, leur menotte idolâtre
En les serrant très fort sur nos tremblants genoux
Vous qui rentrez chez nous !...
Saurez-vous expliquer aux pauvres fiancées
Ce que nous éprouvons de rayonnant espoir,
Quand leur sourire aimant vient butiner, le soir,
Notre âme où sait fleurir leur constante pensée
Et que, sous notre peau, le sang court à longs coups
Vous qui rentrez chez nous !...
Mais aussi saurez-vous bien dire à notre France,
A son histoire, à tous ses nobles souvenirs
Que nous rêvons déjà, tous, à son avenir
Avec ferveur, avec élan, avec confiance
Et que son nom nous est devenu bien plus doux,
Vous qui rentrez chez nous !...
Sagan, août 1941
Cet émouvant poème a été rédigé en août 1941 par un prisonnier de guerre français anonyme, détenu au Stalag VIII C de Sagan, en Silésie, non loin de l'Oder.
Il s'adresse aux prisonniers qui transitent par le Stalag en cours de rapatriement vers la France.
Cette pièce a sans nul doute servi à l'accueil des prisonniers rentrant d'Allemagne.
Vous l'avez remarqué aux reflets sur les photos, ces témoignages du passé sont aujourd'hui protégés par des plaques transparentes. Nous devons ces protections à Gilles Thomas, le meilleur spécialiste du Paris souterrain. Il craignait à juste titre que ces œuvres fragiles fussent dégradées. Merci à lui !
Pour le remercier, vous pouvez acheter son livre passionnant "Les catacombes - Histoire du Paris souterrain" déjà vu sur PBA (
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2 Place Ferdinand Brunot, Paris XIV°.