C'est en 1480 que pour la première fois il est fait mention de la maison des Bergeries appartenant aux seigneurs de Rouvres. Cette première demeure passera de main en main jusqu'à son rachat par la Couronne en 1827. On démolit alors le premier château pour installer à sa place une magnanerie.
Un nouveau château est bâti, qui ne durera pas longtemps puisque, le domaine périclitant, il est vendu par adjudication en 1881 au comte Raphaël Cahen d'Anvers. Celui-ci fait reconstruire un château plus à son goût par l'architecte Eugène Ricard; c'est celui que nous voyons aujourd'hui.
À la mort du comte Cahen d'Anvers, le château des Bergeries est racheté par Ferdinand Goldschmidt. Ses héritiers le garderont jusqu'à la guerre où l'état-major allemand le réquisitionnera.
Dans les années cinquante-soixante, c'est une école privée - le cours Nadaud - qui y installe un "internat de plein-air".
Situé sur les hauteurs de Mainville, le château est alors en pleine campagne, à la lisière de la forêt de Sénart, dominant vers le nord une vaste plaine non bâtie.
Prise dans les années vingt, cette photographie nous montre l'étendue du domaine vers le nord, vue de la terrasse du château:
MC Médiathèque Architecture et Patrimoine RMN |
Hélas en 1964 et 1966, le parc est vendu à une société d'HLM, la Seimaroise, qui y construit rien moins que 29 immeubles, la cité des bergeries.
Nouvelle destruction en 1970: la ferme du domaine disparaît au profit de pavillons...
Alors réduit à sa plus simple expression, le domaine abrite à partir de 1971 l'Ecole internationale de Paris.
Dernier avatar de notre château: en 1995, il devient propriété du ministère de l'Intérieur qui y installe une école de la Police nationale.
Mais pourquoi vous parler d'un lieu que vous ne visiterez pas, sauf bien sûr si vous postulez à un poste d'agent de police ?
Tout simplement parce qu'il y a longtemps*, un tout petit JPD y fut interne et y passa deux ans.
* Que ceux qui ont dit "sous Gaston Doumergue" sortent !
J'avoue avoir eu du mal à reconnaître, au milieu d'une banlieue résidentielle, coincé entre des immeubles-clapiers et des pavillons sam'suffit, le château de ma mémoire planté en pleine campagne, entre forêt et prairies...
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C'est sans grand espoir que je sollicitai l'autorisation de visiter "mon" château et je dois dire que l'accueil chaleureux qui me fut réservé a été une très bonne surprise.
Vous me suivez ?
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Avant d'emprunter l'escalier d'honneur, nous faisons un tour de ce qui subsiste du domaine.
Quand je pense que j'ai dû grimper à cet arbre...
Le château a conservé sa silhouette élégante. En sous-sol, de nouvelles salles ont été construites
Nous entrons enfin dans le grand hall. En fait, c'est toute la partie centrale du château qui constitue un vaste atrium éclairé par une verrière.
La pièce maîtresse est bien sûr le splendide escalier double en chêne qui jadis dégageait une bonne odeur de cire...
Au premier étage, une coursive distribue toutes les pièces
Dans le grand hall, une énorme cheminée en pierre surmontée par l'écusson de l'école:
Cette salle de classe était - si je me souviens bien - le réfectoire du temps du cours Nadaud.
Je ne suis pas sûr qu'à dix ans, on apprécie déjà les plafonds...
Au temps jadis, bien avant que cette maison ne devienne une école, un ascenseur desservait les appartements privés.
Au premier étage, les anciens dortoirs sont devenus des salles de classe:
Cette salle quant à elle est aujourd'hui un dojo. Si elle a conservé ses boiseries et ses moulures, c'est sans nul doute parce que c'était mon dortoir ! Mon lit était dans le coin juste en face, près du radiateur (déjà).
Le grand escalier n'est plus en usage aujourd'hui, mais j'ai encore dans l'oreille le bruit des cavalcades d'une classe de CM2 remontant au dortoir...
Les combles jadis aménagés ne sont plus utilisés aujourd'hui.
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J'ai deux remerciements à formuler.
Je tiens tout d'abord à remercier le capitaine Laurent Marcheval qui m'a accompagné dans cette visite. Son accueil chaleureux et sa disponibilité font honneur à son uniforme.
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Mon second remerciement risque de ne pas être entendu par sa destinataire, mais j'y tiens.
Elle conduisait une Frégate Renault. Quand elle arrivait dans sa gabardine mastic, nous étions instantanément sous son autorité. Mais était-ce de l'autorité ? Du charisme serait sans doute le bon terme.
Pendant deux ans, cette maîtresse a élevé (au sens propre) les quarante élèves d'une classe de CM1 puis de CM2. Elle leur a tout appris pendant ces années où tout se joue: l'écriture (la belle, avec des pleins et des déliés), le français, la grammaire (avec du subjonctif dedans) et l'orthographe (avec des dictées où cinq fautes égalent zéro), le calcul rapide (avec des ardoises) et les tables de multiplication (huit fois sept ?), les fractions (grrrr...), l'histoire-géo, mais aussi la discipline, la tenue, les bonnes manières, la politesse, etc...
Elle considérait qu'à notre âge, il fallait avoir de la culture; elle apportait parfois son électrophone pour nous faire écouter de l'opéra... et ça marchait ! Je connais encore (presque) par cœur le Barbier de Séville grâce à elle. Elle m'a appris à comparer Mado Robin et la Callas !
Songez qu'elle a emmené quarante mômes à l'Opéra, au pigeonnier certes, mais à l'Opéra !
Cette maîtresse d'école majuscule, cette sainte laïque, s'appelait madame Daniellot.
Merci madame.
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ADDENDUM 3 juillet 2018
Notre lecteur Philippe G. a eu la gentillesse de nous envoyer cette photo. On y voit Madame Daniellot et sa classe de CM1 à Saint-Lary, dans les Pyrénées, durant l'hiver 59/60.
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ADDENDUM 3 juillet 2018
Notre lecteur Philippe G. a eu la gentillesse de nous envoyer cette photo. On y voit Madame Daniellot et sa classe de CM1 à Saint-Lary, dans les Pyrénées, durant l'hiver 59/60.
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Château des Bergeries, 55 rue Waldeck Rousseau, Draveil (Essonne).