lundi 28 juin 2021

Descendre sous Paris pour le plaisir... de remonter dans le temps !


Paris-Bise-Art accueille avec plaisir Gilles Thomas pour une balade souterraine.

N'oubliez pas de cliquer sur les photos pour les agrandir.

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Vous avez déjà certainement entendu cette antienne de ma part, je le confesse c’est un peu mon péché mignon. Mais n’allez pas en déduire un peu hâtivement que je vais vous emmener dans le réseau des galeries de servitude établie au niveau des anciennes carrières souterraines de la Ville de Paris ; ou en beaucoup plus court mais moins explicite les « carrières de Paris », voire comme l’expriment certains (en incluant les autorités lors d’un relâchement sémantique maltapropos), les « catacombes », ce qui est plus qu’un abus langagier datant d’au moins 1782, soit quatre années avant la création de l’ossuaire général de la capitale, les vraies Catacombes !



Non non non, je ne parle pas de ce Paris souterrain-là, qui est à la fois ô combien salissant, mais surtout interdit de fréquentation sans autorisation (depuis un arrêté préfectoral du 2 novembre 1955, par mise en application localement de la loi sécuritaire du 3 avril de la même année prise à cause de la guerre d’Algérie), d’autant plus que ce sont des galeries labyrinthiques, sombres, pour ne pas dire totalement obscures, qu’il y fait frais, avec un taux d’humidité à réfréner n’importe quel billet de 500 euros afin d’éviter qu’il ne tourne mal en commençant par développer des moisissures comme tout papier qui y est abandonné, et qu’on peut y trouver des ordures laissées par des visiteurs plus qu’indélicats, et de temps en temps un Gaspard (venant du Val-de-Grâce, ou parfois de très loin comme Sébastopol (Clic) !  Je préfère vous prendre par la main pour vous faire découvrir un réseau moins profond, beaucoup moins fréquenté mais infiniment plus développé (environ 10 fois plus : 2450 km, soit la distance peu ou prou de Paris à Istanbul, contre les 250 que représente le linéaire développé des carrières sous Paris), et dans lequel de très nombreuses études historiques, et même archéologiques peuvent être menées. Je vais donc vous entraîner cette-fois-ci dans les égouts, lesquels sont, on va le constater, le champ de tous les possibles. Comme a su si bien l’écrire Pierre-Léonce Imbert en 1867 : « Suivez-moi, mon cher ami, je possède le peloton de fil d’Ariane, et ma main ne cessera de presser la vôtre. »



Photo souvenir d’une visite avec l’auteur Vassilis Alexakis (1943 – 2021), mise en lumière par Laurent Antoine Lemog, spécialiste de la reconstitution en 3D des pavillons de toutes les Expositions universelles depuis que le monde est monde (Clic) (normal, Vassilis ayant été un dessinateur humoristique et chroniqueur au Monde dès son arrivée en France pour échapper à la « Grèce des colonels » !). La photo source a été prise lors des repérages pour les préparatifs de son ouvrage « L’enfant grec » (Stock – 2012), qui se passe autour du jardin du Luxembourg, tant dessus que dessous. D’ailleurs, pour ceux qui s’intéressent aux sous-sols, il en existe je suis sûr, n’hésitez pas à vous plonger dans son roman « Avant », paru au Seuil en 1992, dont l’histoire se déroule intégralement sous le cimetière Montparnasse et totalement dans le noir ! Mais comme elles sont moches moches moches, ces nouvelles plaques en plastique à l’écriture noire sur fond jaune !




Il n’y a pas que dans les carrières que les parois des galeries portent les traces et les stigmates de toutes les pièces de théâtre dont Paris surface fut l’avant-scène de la grande Histoire. On y trouve non seulement des indications rappelant ce temps d’antan où le tramway pouvait s’enorgueillir de compter 1000 km de rails dans Paris intramuros (et pas uniquement la trentaine sur les Maréchaux dont la capitale se targue aujourd’hui), mais aussi des noms de rues d’autrefois.

Par délibération du 28 juin 1918, approuvée par le décret du 1er juillet trois jours plus tard, une artère parisienne prit le nom de Président Wilson pour son engagement pendant la Première Guerre mondiale. Mais précédemment, la dénomination qui prévalait était l’avenue du Trocadéro et, plus anciennement encore, l’avenue de l’Empereur. En parlant de sa venue, n’oublions pas que cette année 2021 est impériale (Clic).



La Bièvre, rivière parisienne engloutie corps (depuis 1912 pour le dernier tronçon recouvert) mais pas âme, est encore évoquée dans le réseau des égouts sur différentes plaques indicatives. Mais intra-muros, c’est désormais un véritable égout ; il ne faut surtout pas imaginer qu’elle présente encore ses berges... et encore moins qu’elles seraient verdoyantes comme j’ai pu l’entendre parfois ! La Bièvre n’a pas été simplement recouverte au moment de son enterrement, mais son cours a bel et bien été busé dans une canalisation en béton.


Dans les égouts, éventuellement nauséabonds, mais néanmoins riches en découverte visuelles, on trouve aussi de très nombreuses plaques évoquant des orages spectaculaires dont a été victime le bassin parisien (voir l’article précédent initié par le gaspard Sébastopol comme fil rouge) ; ou d’autres qui expliquent et détaillent des travaux particuliers.






Arrêtons-nous sur une année un peu plus lointaine : 1777, date de la création de l’Inspection générale des carrières [sous Paris et plaines adjacentes ] par notre bon roi Louis le XVIe du nom, le 4 avril. Deux mois plus tôt, le 7 février, il avait été accordé par le même, la permission que les frères Perrier construisent des pompes à feu sur les bords de la Seine, aux fins de distribuer de l’eau aux robinets de la capitale à partir de celle aspirée dans le fleuve parisien. Ainsi en fut-il de la Pompe à feu de Chaillot... dont voici des vestiges du tuyau originel, recoupés par un égout moderne (deux photos qui le montrent d’un côté, et de l’autre de la galerie).



On peut également remonter encore avant... au moment de la construction de l’aqueduc Marie de Médicis, soit les années 1613-1623. Qu’y-a-t’il derrière ce mur portant la plaque « 123 » ? Si on regarde bien la voute, on observe un chaînage en pierres calcaire régulièrement taillées. Passons de l’autre côté...

Vous avez alors devant vos yeux ébahis un égout du XVIIe siècle (excusez du peu !), du moins la partie supérieure, la cunette ayant simplement été cimentée au XIXe pour convertir en canalisation pour les eaux usées, cette partie de l’aqueduc initialement prévue pour conduire l’eau des sources de Rungis entre la « maison du Fontainier » (autrefois logement de fonction de l’ingénieur hydraulique comme l’on savait dire, donc qui le fut pour Bralle, Inspecteur des carrières de Paris pendant la Révolution), et la palais du Luxembourg de Marie de Médicis.




L’auteur est ici à l’aplomb d’une des cheminées (ou bouches de contrôle) qui sont régulièrement espacées (en moyenne tous les 60 mètres) pour pouvoir accéder à l’aqueduc lors des travaux d’entretien le concernant. Au premier plan on peut observer les pierres de taille de la voute d’un des chaînages en calcaire caractéristique de la construction de cette galerie souterraine, avec un remplissage de simples pierres grossièrement taillées entre deux chaînages successifs espacés de deux toises, soit quatre mètres. © photo Denis Prouvost.

Un dernier saut beaucoup plus avant dans le passé : retournons dans le Paris du XIIIe ou XIVe siècle. Voici, ici sous vos yeux ébahis, pour ceux qui n’ont pas lu « Sur les traces des enceintes de Paris » paru aux éditions Parigramme, une chambre souterraine accessible uniquement à partir des égouts. Elle constitue l’unique vestige, qui plus est monumental, de l’avant-porte Saint-Michel édifiée ou remaniée sous Charles VI, selon les vulgarisateurs auteurs de cet ouvrage de référence ; cette découverte est due à Marc Goret, un égoutier passionné par l’histoire et aujourd’hui à la retraite. 

Où peut donc mener cette grille ouverte que l’on atteint en passant sous ce gros tuyau et deux plus petits ? En plein moyen-âge !


Désolé pour la qualité de la photo de ce Paris sous Paris, mais à moins d'être un rat, autrement dit un gaspard (Clic encore... bis repetita placent) la photographie souterraine ne s’improvise pas, elle s’apprend après des heures, que dis-je des jours et des mois d’expérience dans les tréfonds de notre belle capitale... Vivement un livre !


© photo Gaspard Duval 


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Un grand merci à Gilles Thomas pour cette visite passionnante !



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