Déjà en 1833, sous Louis-Philippe, le préfet Rambuteau se préoccupe de l'hygiène de nos rues (heureuse époque) et fait installer plusieurs dizaines de "colonnes Rambuteau", sorte d'isoloir permettant aux messieurs de se soulager.
En 1839, le préfet de la Seine Gabriel Delessert fait installer des "colonnes moresques", variante habillée de placard publicitaires destinés aux informations municipales.
Si quelqu'un peut m'expliquer l'origine du mot "moresque" (ou mauresque) en rapport avec ces colonnes, j'en serais heureux !
Sous Napoléon III, l'ingénieur Jean-Charles Alphand qui dirige le Service des promenades et plantations, confie à Gabriel Davioud la définition d'un nouveau modèle plus esthétique. On y trouve déjà le "petit chapeau" recouvert d'écailles si cher aux parisiens.
Une autre version de ce modèle sert de kiosque à journaux:
Mais à la suite de plaintes de plusieurs directeurs de théâtres appréciant peu de voir leurs affiches apposées sur des lieux d'aisance, on décida de séparer les deux fonctions. Notre colonne-affiches était née. Nous sommes alors en 1868 et c'est à Richard-Gabriel Morris - imprimeur de son état - que sera confiée la tâche d'édifier ces colonnes qui seront pour toujours connues sous le nom de "colonnes Morris". Soyons francs, il s'inspira un peu d'un modèle berlinois équivalent: les Litfaßsäulen.
Ici un rare modèle de colonne Morris en version murale:
Mais ne croyez pas que les colonnes Morris n'ont pas changé depuis un siècle et demi.
Regardez ce modèle que l'on pourrait appeler "simple": simple chapeau à écailles cerclé de deux bandes formant un octogone avec une tête de lion à chaque angle.
Ce modèle a perdu ses têtes de lions au profit d'un bandeau lumineux probablement plus rentable:
Ce modèle a toujours ses têtes de lions, mais le dôme est beaucoup plus sophistiqué; il comporte de gros hublots qui, éclairés de l'intérieur, seront à leur tour munis de publicités translucides.
Ici, un modèle installé à Sèvres-Babylone a vu ses lions disparaître au profit de bandeaux publicitaires.
De tout ceci, que reste-t-il ?
Trois modèles originaux sont encore debout. Ils ne servent plus à l'affichage publicitaire, le contrat ayant été racheté par JC Decaux en 1986, ainsi que la société Morris...
Le premier de ces vestiges se trouve à Charenton, devant le 107 rue de Paris; il sert d'enseigne pour le théâtre des deux rives et a été entièrement restauré:
On distingue la porte fermée à clef. Certaines colonnes Morris étaient utilisées par les agents municipaux pour y ranger leur matériel.
Le regretté Roland Nungesser qui fut maire de Nogent-sur-Marne pendant 36 ans, avait eu la bonne idée de constituer sur sa commune une sorte de musée du vieux Paris. C'est lui qui récupéra le fameux pavillon Baltard et l'installa à deux pas de la gare, sur un terrain en pente où il se trouve toujours.
C'est devant ce pavillon (fermé habituellement) que fut crée le "square du vieux Paris". On y trouve une fontaine Wallace, une borne d'appel-police-secours... et une colonne Morris, que voila:
On y trouvait naguère un morceau de l'escalier de la tout Eiffel, mais il a été vendu. Il semble que les successeurs de Roland Nungesser n'aient pas le même souci de la préservation du patrimoine parisien, hélas...
Si la troisième colonne est encore debout, c'est parce qu'on lui a donné une autre utilité: elle sert d'aération pour des locaux souterrains appartenant à la Ratp.
Située sous le viaduc du métro aérien (ligne 6) près de la station La Motte Piquet - Grenelle, elle semble un peu perdue au milieu d'un parking.
Son chapeau a une pâle mine...
Je vous l'ai dit plus haut, c'est la société JCDecaux qui a désormais la haute main sur ce qu'on appelle toujours des colonnes Morris. C'est ainsi qu'il y a deux ans, les parisiens furent surpris de voir cette colonne moderne peinte en rouge, mais ce n'était qu'une campagne de publicité pour le cirque Bouglione.
Mais ne croyez pas que toutes les colonnes Morris "modernes" soient semblables.
Si vous regardez bien, vous verrez des différences. Ici le premier modèle tout simple, avec chapeau à écailles et bandeau octogonal à têtes de lions:
Et là, toujours le chapeau à écailles, mais les lions sont partis, remplacés par un bandeau où il est écrit "Théâtre":
Enfin, sur ce troisième modèle moderne, on retrouve le chapeau à hublots déjà vu par le passé !
Je suis sûr d'avoir raté d'autres variantes; cherchez et n'hésitez pas à nous montrer vos trouvailles !
Ces chosettes sont surmontées d' un casque maure. Non ?
RépondreSupprimerFormidable article ! J'ai appris plein de choses, merci Jean-Paul.
RépondreSupprimerBien que vous ayez spécifié que vous recherchiez l'origine de Mauresque en rapport avec ses colonnes pour éviter l'explication du Grand Barde , il ne peut se retenir de vous dire que la mauresque c'est du pastis et de l'orgeat et de l'eau , à consommer sans modération
RépondreSupprimerVive Paul Ricard
C'est la coupole qui orne certains bâtiments...moresques.
RépondreSupprimer@ Grand barde: Je le craignais !
RépondreSupprimer@ Nina: ça me paraît trop simple comme explication...
Il y a (vait) une colonne Morris rouge devant le palais des expositions porte de versailles
RépondreSupprimerPour moi "moresque", c'est tout simplement un mot valise entre Morris et "mauresque" en référence au dôme vaguement oriental
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